Guide complet du financement immobilier en Suisse

  • il y a2 mois
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Introduction

En Suisse, acheter un bien immobilier ne se résume pas à signer un contrat de vente : c’est avant tout un projet financier de long terme. Le système de financement helvétique, unique en son genre, repose sur des règles strictes visant à assurer la stabilité économique du pays et à protéger les propriétaires.

Les règles expliquées dans ce guide concernent principalement l’acquisition d’une résidence principale. Les conditions peuvent différer pour l’achat d’une résidence secondaire ou d’un bien d’investissement (fonds propres plus élevés, critères de revenu plus stricts, etc.).


1. Les fonds propres : le point de départ

Montant apporté directement par l’acheteur pour financer l’achat. En Suisse, au moins 20 % du prix d’achat doivent provenir de fonds propres.

Exigences minimales pour une résidence principale

    • 20 % du prix d’achat doivent provenir de fonds propres.

    • Sur ces 20 %, au moins 10 % doivent être constitués d’épargne “réelle”, c’est-à-dire hors prévoyance professionnelle (2e pilier).

Origines possibles des fonds propres

    • Épargne personnelle (comptes, titres, liquidités).

    • 2e pilier (retrait ou mise en gage d’une partie de la caisse de pension).

    • 3e pilier (prévoyance individuelle liée, 3a).

    • Donations ou héritages.

    • Valeur d’un autre bien immobilier (vente ou nantissement).

💡 Exemple : pour un bien de CHF 1’000’000.–, l’acheteur doit apporter au minimum CHF 200’000.– de fonds propres, dont CHF 100’000.– en dehors du 2e pilier.


2. L’hypothèque : le cœur du financement

En Suisse, on ne rembourse généralement pas l’entier de son prêt, mais seulement une partie.

L’hypothèque correspond au prêt bancaire accordé par la banque et elle est garantie par le bien immobilier qui est mise en gage.

Elle est généralement divisée en deux tranches : 

Les deux rangs hypothécaires

    • Hypothèque de 1er rang : couvre généralement 65 % de la valeur du bien. Elle n’est en principe pas amortie (remboursée) et peut rester en place à long terme.

    • Hypothèque de 2e rang : couvre jusqu’à 15 % supplémentaires, pour atteindre un financement total de 80 % du prix du bien. Cette partie doit être amortie (remboursée) dans un délai de 15 ans maximum (ou avant l’âge de la retraite).

Pourquoi deux rangs ?

La distinction entre 1er et 2e rang répond à une logique de sécurité pour les banques et de stabilité du marché :

    • Le 1er rang est considéré comme la partie la plus sûre du prêt. Même en cas de baisse de la valeur du bien, la banque a de fortes chances de récupérer ce montant lors d’une revente. C’est pourquoi il n’a pas à être amorti.

    • Le 2e rang est plus risqué, car il correspond à la tranche supérieure de la valeur du bien, plus exposée aux fluctuations du marché. Pour limiter ce risque, la loi impose son amortissement progressif.

Cas particuliers : Obtenir une hypothèque de 1er rang uniquement.

Lorsque l’acheteur dispose de fonds propres suffisants (en général 35 % ou plus) et selon son profil (âge, situation patrimoniale, stabilité des revenus), il est possible que la banque finance le bien uniquement via un 1er rang hypothécaire.

Dans ce cas, aucun amortissement n’est requis : l’emprunteur s’acquitte uniquement des intérêts sur la durée du prêt.

💡 Exemple : pour un bien de CHF 1’000’000.– avec 35 % de fonds propres (CHF 350’000.–), l’hypothèque peut se limiter à 65 % en 1er rang, sans 2e rang. Résultat : pas d’amortissement obligatoire, uniquement des intérêts.


3. Le calcul de la capacité financière

Les banques appliquent un stress test pour évaluer si un ménage est capable d’assumer son bien immobilier sur le long terme.

Quels sont les éléments pris en compte ? : 

    • Taux d’intérêt théorique : 5 % (et non le taux du marché).

    • Frais d’entretien et charges : 1 % par an du prix d’achat.

    • Amortissement du 2e rang, réparti sur 15 ans.

L’ensemble de ces charges ne doit pas dépasser 33 % du revenu brut du ménage.

Exemple : pour un bien de CHF 1’000’000.– avec 80 % d’hypothèque (CHF 800’000.–) :

    • Intérêts théoriques : 800’000 × 5 % = CHF 40’000.–/an

    • Entretien : 10’000.–/an

    • Amortissement 2e rang : env. 8’000.–/an

Total des charges : 58’000.–/an
Revenu brut nécessaire : env. 175’000.–/an minimum.


4. L’amortissement : réduire progressivement la dette

L’amortissement concerne généralement la dette du 2e rang uniquement.

Deux modes d’amortissement sont possibles

    • Amortissement direct : remboursement progressif du capital à la banque.

    • Amortissement indirect : versements réguliers sur un compte de 3e pilier lié, qui servira à rembourser l’hypothèque à terme.

Astuce : l’amortissement indirect permet de bénéficier d’avantages fiscaux, car les versements au 3e pilier sont déductibles du revenu imposable.


5. Autres notions importantes

    • Valeur locative : revenu théorique (imposé fiscalement) sur le bien occupé par son propriétaire.

    • Rapport prêt/valeur (Loan-to-Value, LTV) : pourcentage financé par la banque.

    • Taux d’effort : part du revenu consacrée aux charges immobilières.

    • Nantissement : mise en garantie d’un bien ou d’un avoir (p. ex. 2e pilier) sans retrait effectif.

    • Valeur de nantissement : c’est la valeur retenue par la banque pour calculer le montant de l’hypothèque. Elle peut différer du prix d’achat ou de la valeur vénale du bien. Par prudence, les banques appliquent souvent une décote.

Cela signifie que même si vous payez un bien CHF 1’000’000.–, la banque peut ne retenir que CHF 950’000.– comme base, et financer 80 % de cette valeur, soit CHF 760’000.– au lieu de CHF 800’000.–.


Conclusion

Devenir propriétaire en Suisse demande une préparation minutieuse et une bonne compréhension des mécanismes de financement. Entre l’apport de fonds propres, la distinction entre 1er et 2e rang, le calcul de la capacité financière et les stratégies d’amortissement, chaque détail compte.

À noter : les règles présentées ici concernent surtout l’acquisition d’une résidence principale. Pour une résidence secondaire ou un bien locatif, les exigences de fonds propres sont généralement plus élevées (jusqu’à 30-40 %) et les critères d’octroi plus stricts.

Une planification réfléchie – souvent avec l’aide d’un conseiller financier ou d’une banque – permet de sécuriser son projet et d’optimiser son financement, tout en évitant les mauvaises surprises.

Bon réflexe : utilisez notre simulateur de financement pour évaluer sa capacité d’achat et tester différents scénarios.

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